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Faut-il avoir peur de l’intelligence artificielle ?

1 septembre 2017.
Récemment, Elon Musk, le PDG de Tesla et de SpaceX, a donné une conférence devant l’association des gouverneurs américains. Et ce ne sont pas les prouesses technologiques de ses entreprises qui ont retenu l’attention, mais bien son discours pour le moins alarmiste sur l’intelligence artificielle. Depuis quelques années, Musk, qui est considéré comme l’un des grands visionnaires sur la planète, a souvent mis en garde le public contre les dangers liés au développement phénoménal de l’IA.

Il a cette fois réitéré son message, affirmant qu’il était essentiel pour les gouvernements d’adopter rapidement des lois qui permettraient de mieux encadrer cette technologie. « L’intelligence artificielle est l’un des rares cas pour lesquels je pense que nous devons adopter des réglementations de manière proactive plutôt que réactive. Parce que je crois que si nous attendons de le faire de façon réactive, il sera trop tard. L’IA est un risque fondamental à l’existence de la civilisation humaine, » a-t-il même affirmé.

Réalisme ou pessimisme ?

La prise de parole d’Elon Musk est un peu surprenante, pour deux raisons. D’abord, parce qu’il s’est toujours insurgé contre une trop grande intervention des gouvernements dans l’économie, qu’il voyait comme un frein à l’innovation et à l’entrepreneuriat. Et ensuite, parce que Musk a déjà été impliqué dans différents projets d’intelligence artificielle, notamment celui de DeepMind, désormais une division de Google qui a construit un « réseau neuronal ». Cependant, le patron de Tesla assure que sa participation et ses investissements étaient faits seulement dans le but d’avoir le domaine à l’œil. « [Ce rôle] m’apportait une plus grande visibilité pour comprendre la vitesse à laquelle les choses s’amélioraient, et elles s’amélioraient à un rythme accéléré, » a-t-il déjà expliqué en entrevue.

Musk n’est pas le seul expert à exprimer des craintes sur les avancées de l’IA. C’est notamment le cas du physicien Stephen Hawking, qui a déjà affirmé que l’intelligence artificielle « pourrait bien signifier la fin de la race humaine ». Bill Gates et Steve Wozniak sont également dans le camp des inquiets.

De l’autre côté, il y a par contre plusieurs piliers de l’industrie qui minimisent ce qu’ils appellent « la croisade d’Elon ». Entre autres, Larry Page, cofondateur de Google et ami personnel de Musk, qui croit que l’IA va réellement améliorer la vie des gens. Selon Page, « lorsque les besoins des êtres humains seront plus facilement comblés, les gens auront plus de temps à consacrer à leur famille ou encore à leurs intérêts personnels. » Dans ce camp des optimistes, on trouve aussi l’investisseur et activiste Peter Thiel, cofondateur de PayPal avec Musk, qui pense que « le jour où les machines posséderont toute la gamme des habiletés cognitives de l’humain est encore loin » et Mark Zuckerberg, qui a créé un robot-valet nommé Jarvis pour s’occuper de sa maison. Ce dernier a dit : « Si nous ralentissons volontairement le progrès à cause d’inquiétudes non fondées, nous empêcherons des gains réels de se produire. »

Elon Musk, TED 2017.

Des applications aujourd’hui courantes

Aujourd’hui, ce qu’on appelle de façon large l’IA est déjà bien implanté au cœur de nos vies quotidiennes, mais généralement sous la forme d’automates assez rudimentaires — nous sommes loin de consciences artificielles qui relèvent encore de la science-fiction. En voici quelques applications courantes :

— Les assistants personnels, tels que Siri, Cortana et Alexa. Ceux-ci sont constamment en train d’en apprendre plus sur leurs utilisateurs, par exemple sur leur prononciation spécifique, ce qui leur permet de mieux s’adapter à eux. Prochaine étape : anticiper leurs besoins.
— Les voitures autonomes sont probablement l’une des applications les plus marquantes, qui risquent d’amener une révolution assez rapide dans nos vies. Prochaine étape : raffiner les algorithmes afin de permettre aux voitures d’apprendre de leurs « erreurs », tout comme les humains.
— Les chat bots (ou robots conversationnels), ces formes de service à la clientèle bénéficient de beaucoup de « hype marketing », mais sont encore des automates très proches du degré zéro d’intelligence — ils ne passent pas le test de Turing. Défi : mieux maîtriser le langage naturel des utilisateurs.
— Les caméras de surveillance, particulièrement celles appartenant à de grands systèmes avec de nombreux écrans à surveiller. Des algorithmes permettent déjà de reconnaître ce qui pourrait être une « intrusion » potentielle. Défi : mieux interpréter les comportements humains dans toute leur complexité.
— Les recommandations en ligne, qui permettent aux marchands ou aux réseaux sociaux comme Facebook de cibler les publicités selon les comportements de magasinage en ligne, ou encore aux services de divertissement d’offrir des suggestions de musique ou de films basées sur les goûts. Défi : respecter la vie privée des consommateurs tout en poussant ces recommandations plus loin.

La suite

Le dernier discours de Musk, bien qu’il ait fait des vagues dans les médias, s’adressait avant tout à une audience ciblée de décideurs, possédant le pouvoir de faire adopter de nouvelles réglementations et d’établir des politiques. Après ses déclarations, les gouverneurs ont posé de nombreuses questions à Musk et lui ont demandé conseil, témoignant à tout le moins d’une certaine ouverture au changement.

Musk les a pressés de former un comité de réglementation le plus rapidement possible. Puisqu’il considère que le salut est dans la mobilisation, la première tâche de ce comité serait d’en apprendre le plus possible sur le sujet. « Une fois que la conscience sera mieux établie, les gens auront beaucoup plus peur. Comme ils le devraient, » a-t-il ajouté.

Une autre des pistes de solution proposées par Musk dans les dernières années serait de rendre l’aspect technologique de l’IA libre (OpenAI), afin que celui-ci n’en vienne pas à être contrôlé par une seule entreprise dont les desseins ne seraient pas nécessairement nobles.