De Flash Pro à Animate
En décembre dernier, suite à la disparition de Flash Professional CC au profit d’Animate CC, certains articles de presse techno claironnaient en gros titres “Flash est mort, Adobe l’a tué”, ou encore “Le dernier clou dans le cercueil de Flash”. La réalité est plus complexe et nuancée. De fait, Animate CC n’est qu’un changement de dénomination de produit au sein de la suite Creative Cloud.
Mais, il n’est un secret pour personne que l’animation Flash est entrée en défaveur avec l’apparition de nouvelles technologies, et, il faut en convenir, à la suite de certains manquements dans la gestion de cette solution logicielle de la part d’Adobe.
Une longue histoire
La technologie nait en 1995 à San Diego, Californie. La société FutureWave fait évoluer son logiciel de dessin vectoriel SmartSketch en y ajoutant des fonctions d’animation image par image, et le rebaptise FutureSplash Animator. Le logiciel, disponible sur Mac et PC, connaît un certain succès et est acheté fin 1996 par Macromedia, célèbre à l’époque pour son outil de développement de CD-ROM interactifs, Director.
FutureSplash est alors rebaptisé Macromedia Flash. Le système consiste alors en un logiciel de dessin et d’animation, et un lecteur d’animations gratuit, le Macromedia Flash Player, ce dernier étant rapidement fourni comme plug-in de navigateur Web. Les versions suivantes ajouteront des capacités de programmation avec un langage inspiré d’HyperTalk (langage des scripts d’Apple HyperCard).
Grâce au plug-in de navigateur, Flash fut l’outil de prédilection de nombreuses atrocités que nous avons vues ces vingt dernières années sur le Web. Souvenons-nous de ces sites qui ressemblaient à des portages de CD-ROM, à l’ergonomie souvent des plus ésotériques et en opposition avec toutes les règles de l’accessibilité, aux pages “splash” qui faisait désespérément chercher le salvateur bouton “Skip Intro”, aux bruitages sonores non sollicités, et bien sûr aux envahissantes publicités. Mais Flash sera aussi l’outil qui permettra d’inclure facilement de la vidéo dans les pages Web, surpassant les solutions QuickTime, Real, et Windows Media, ainsi que l’outil permettant de développer tout un écosystème de jeux en ligne (site Armor Games, par exemple en 2005).
L’entreprise Macromedia est achetée par Adobe en 2005 et Macromedia Flash est rebaptisé Adobe Flash en 2007 lors de la sortie de la suite logicielle CS3. Flash va alors bénéficier de fonctions héritées d’Adobe After Effects ainsi que de nouvelles capacités 3D. Adobe va également lancer Adobe AIR (Adobe Integrated Runtime), un runtime qui permet de distribuer des applications autonomes, pouvant s’exécuter en dehors d’un navigateur Web et développées avec Adobe Flash Pro.
Fin de règne pour le “Player”
Les premiers signes inquiétants pour Flash sur le Web sont apparus il y a une dizaine d’années lorsque des power users ont pris pour habitude de désactiver le plug-in, ou d’utiliser des extensions permettant de n’activer les animations qu’à la demande, afin d’éliminer les publicités les plus pénibles et d’économiser de la bande passante (la fonction “ClickToFlash” est devenue depuis un standard dans certains navigateurs).
Le grand tournant sera autant le fait de l’arrivée à maturité de la balise “
Attaqué sur de nombreux fronts, la sécurité du lecteur n’étant pas le moindre, Flash cède chaque jour du terrain aux solutions proposées par les instances de standardisation du Web (HTML5 Canvas). Début 2015, après l’avoir longuement testé, YouTube est passé à HTML5 par défaut pour son lecteur vidéo, envoyant un signal fort au reste de l’industrie. Des navigateurs, comme Safari sur Mac OS, ne proposent même plus le plug-in Flash dans son installation standard.
Ce qui meurt aujourd’hui, c’est l’extension Web, devenue vectrice de divers logiciels malveillants, mais pas la belle application de création d’animations. C’est bien pour cela qu’Adobe a choisi de renommer cette dernière pour la dissocier d’une technologie révolue. Si les animations Flash sur le Web sont sur le point d’appartenir au passé, il n’en est rien pour la solution d’animation. S’appelant désormais Animate, le logiciel ne fait plus référence à aucune plateforme particulière. Flash n’était depuis quelque temps qu’un format parmi d’autres pour partager les animations, Adobe ayant par ailleurs fait des efforts considérables en direction de l’export HTML5 et WebGL. Et Animate permet toujours de créer des applications autonomes via AIR, ce qui représente un marché non négligeable, surtout pour les applications mobiles.
Cependant, le domaine qui a à perdre dans un premier temps avec la disparition du lecteur Flash est probablement celui des jeux, les solutions proposées par les standards, et surtout leur implémentation dans les navigateurs, demeurant encore en retrait de tout ce qu’il était possible de faire avec Flash.