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La dette technologique à l’échelle de l’entreprise

22 septembre 2022.

Ce n’est pas seulement une application qui peut souffrir de dette technologique. Le concept est déclinable à l’échelle d’une organisation tout entière. Nous nous sommes entretenus sur le sujet avec Carlo Rossi, spécialiste en solutions numériques chez Spiria. Au sein de l’équipe de Montréal, il apporte sa grande expertise et son sens aigu de l’analyse afin d’assurer le succès de tous types de projets numériques.

Spiria : Dans nos métiers du développement logiciel, nous parlons de dette technique ou technologique pour parler des coûts potentiels engendrés par la prise de raccourcis dans l’écriture du code, par le choix de la facilité, au détriment de la pérennité de la solution, par exemple afin de réussir à livrer à temps ou dans le budget. Tout un ensemble de faiblesses dans le code et l’architecture qui devront un jour ou l’autre être corrigées pour des raisons de stabilité, de performance, de sécurité ou encore d’évolutivité, et qui représentent donc une sorte d’emprunt à rembourser, plus ou moins caché. Mais si l’on regarde au-delà des applications, le concept de dette technologique est bien plus large.

Carlo Rossi : Tout à fait. La dette associée aux applications logicielles n’est qu’une pointe de l’iceberg. Les faiblesses technologiques affectent aussi les organisations. Le retard des organisations à revoir leurs processus constitue lui aussi une forme de dette technologique. Par exemple, de nombreuses entreprises n’ont pas encore fait le saut de la transformation numérique, ce qui veut dire qu’elles continuent d’opérer avec du papier, des documents électroniques peu intégrés qui passent entre les mains de plusieurs intervenants, les rendant moins productives. La solution se trouve souvent au-delà des seuls problèmes technologiques, car il faut revoir tous les processus organisationnels afin de trouver les écueils récurrents, les irritants.

Quelles sont les causes de ces retards? Pourquoi les compagnies sont-elles parfois réticentes à effectuer les bons virages?

Le problème ne date pas d’hier. Durant ma formation, j’étais déjà fasciné par la méthode Toyota, qui vise essentiellement à traquer les gaspillages, à travailler intelligemment et à construire une vision à long terme. Mais beaucoup d’entreprises sont encore très loin, très loin de ça. Elles hésitent à réformer leurs processus en profondeur et les problèmes demeurent les mêmes. Une analyse de la compagnie Raymond Chabot Grant Thornton, datant d’avril 2022, décrit plusieurs facteurs :

  1. Beaucoup d’entreprises possèdent une vision conservatrice sur la manière d’opérer.
  2. Elles éprouvent de la difficulté à comprendre les processus en place dans leur organisation.
  3. Elles ignorent tout simplement les possibilités offertes par les technologies.
  4. Elles craignent le changement et la prise de risque. Parfois non sans raison. Comme nous, elles connaissent les histoires d’horreur de certaines implantations ratées de systèmes informatiques.
  5. Enfin, il y a souvent un manque de personnel qualifié au sein de l’entreprise pour amorcer un quelconque virage.

Par où commence-t-on alors?

Par faire un examen en profondeur, un audit, et cela commence habituellement par écouter les gens en place. Mais pour bien écouter, il est préférable d’avoir recours à un consultant habitué à poser les bonnes questions. Ce consultant identifiera très rapidement les possibilités d’amélioration en écoutant les employés parler de leur quotidien. Autrement dit, avant même de prendre des décisions, il faut identifier, cibler et, bien sûr, planifier.

Prenons par exemple ce que nous avons fait pour Arhoma. Cette sympathique boulangerie avait du mal à répondre de manière fiable aux nombreuses commandes venant des restaurants, des épiceries, etc. Les consultants de Spiria se sont assis durant quelques jours avec les employés traitant des commandes. Par la suite, ils ont proposé à l’entreprise une solution sur mesure, dédiée à la seule opération de prise de commandes, qui intégra finalement la logistique de livraison et le processus de facturation.

Doit-on nécessairement passer par des solutions sur mesure? N’existe-t-il pas des solutions déjà toutes faites qui évitent de réinventer la roue?

Oui, et c’est le travail du consultant de faire la part des choses. Nous avons justement rencontré dernièrement le directeur d’un fabricant de vêtements qui voulait améliorer la tâche de ses représentants sur la route. Ces derniers bricolaient chacun de leur côté des catalogues produits qu’ils présentaient à des clients potentiels. Après l’analyse de leurs besoins, Spiria a identifié une solution existante qui répondait parfaitement à leurs attentes. Il se fait maintenant tellement de choses en informatique qu’il n’est pas rare, justement, de trouver sur le marché quelque chose d’intéressant.

Certains systèmes de paie sur le marché sont plus qu’éprouvés. Pourquoi réinventer la roue… Et choisir une telle solution peut revenir à changer sa manière d’opérer, mais c’est pour le mieux.

C’est certain. Toutefois, il arrive souvent que la meilleure solution soit la création d’une solution sur mesure, entièrement personnalisée à ses besoins spécifiques. Il faut bien prendre son temps avant d’adopter une solution ou une autre.

Cela coûte cher, diront les chefs d’entreprises.

Oui et non. Avec une bonne planification, le retour sur l’investissement est rapidement visible. Avant Spiria, j’ai travaillé à l’implantation du nouveau Centre universitaire de santé McGill (CUSM). J’étais responsable de l’opérationnalisation d’un système d’approvisionnement. Nous avons conclu qu’il y avait trop d’intervenants et d’obstacles dans la prise de décisions concernant le réapprovisionnement du matériel. Nous avons identifié ce qui pouvait avoir le potentiel d’être automatisé, à savoir les achats de fournitures médicales courantes, par exemple les seringues, les pansements, les solutés, etc. Personne n’est obligé d’appuyer sur un bouton pour renouveler ce genre de stocks! Nous avions donc trouvé où investir en premier lieu. C’est ainsi qu’on parvient à faire des économies substantielles et à rendre tout le monde heureux.

Et quand une solution fonctionne, cela incite les organisations à vouloir davantage optimiser d’autres processus.

Voilà ! Cela a eu comme conséquence, entre autres, d’éduquer le personnel à ne pas voir dans l’automatisation de ces tâches une perte de responsabilités. Il y a bien d’autres tâches plus intéressantes, à la hauteur de leurs compétences, que de remplir des formulaires.

Nous avons également eu à arrimer la gestion des patients des trois hôpitaux fusionnés, tant pour leur dossier médical que pour la coordination des déplacements. Et, au-delà de l’uniformisation des formulaires et de la création de solutions informatisées, il ne faut pas oublier de fournir au personnel les ordinateurs et autres outils adéquats comme des tablettes, et partout! La transition numérique ne passe pas juste par l’amélioration d’un logiciel!

En développement logiciel, on parle souvent d’amélioration continue.

C’est la même chose pour les entreprises. La technologie est là pour s’améliorer, mais il faut que cela soit fait de manière réfléchie, calculée. Et l’on y prend goût!

Cela passe par un plan de match.

Exactement. On ne peut pas tout faire en même temps. C’est aller tout droit vers la catastrophe organisationnelle et budgétaire! Il ne faut surtout pas avoir peur de partir à la découverte, comme on dit chez Spiria, d’examiner les possibilités et d’y aller simplement tout en priorisant les gains souhaités. En résumé, la dette technologique est intimement reliée à la maturité numérique des organisations. Le processus d’intégration de nouvelles technologies, qu’elles soient dans l’automatisation, la robotisation, la cybersécurité ou d’autres technologies avancées comme les systèmes d’information intégrés en exemples, doit aussi s’accompagner d’un changement de culture et d’opérations.

Merci, Carlo, pour cet éclairage. Il faudra que nous poursuivions la conversation sur la maturité numérique des entreprises.

Avec plaisir.

 

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